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Le lendemain, à quatre-vingts kilomètres plus au nord, le soleil transperçait les stores d’une chambre, dans une clinique privée. Le drap blanc dessinait la silhouette d’une malade rattachée à la vie par une batterie de machines qui ronronnaient de façon rassurante à côté d’elle. Elle avait les yeux fermés.
Une infermière pénétra dans la pièce, s’assura que tout allait bien et prit quelques notes avant d’attarder son regard sur la malade.
— Bonjour, Theresa, dit-elle d’une voix enjouée.
Les yeux toujours fermés, la femme ne répondit pas. On ne la nourrissait plus par perfusion et elle était hors de danger, mais la guérison serait longue.
— C’est une journée magnifique, poursuivit l’infirmière en relevant les stores.
Un rayon de soleil se posa sur le lit. De l’autre côté des larges fenêtres de la vieille bâtisse, les eaux de l’Hudson scintillaient dans l’air glacé du matin.
La tête de la jeune femme reposait sur un oreiller et ses cheveux bruns s’étalaient sur la taie immaculée.
L’infirmière vaquait tranquillement à ses occupations. Elle remplaça une poche de perfusion, borda les draps et se pencha au-dessus de la patiente afin d’écarter une mèche rebelle.
La jeune femme ouvrit lentement les veux.
L’Infirmière lui prit la main.
— Bonjour, répéta-t-elle en lui serrant doucement les doigts.
Les paupières de la malade papillonnèrent un instant et elle ouvrit la bouche sans que n’en sorte aucun son.
— Il est encore trop tôt pour parler, lui recommanda l’infirmière en s’approchant de l’interphone. Vous avez passé un mauvais moment, mais tout ira bien.
Elle appuya sur l’une des touches et approcha sa bouche de l’appareil.
— La patiente de l’unité 6 est en train de se réveiller, murmura-t-elle. Prévenez le docteur Winokur.
Elle relâcha le bouton, s’assit sur le bord du lit et reprit la main de la jeune femme entre les siennes.
— Où... ?
— À la clinique Faversham, chère Theresa. Ça se trouve à quelques kilomètres de Cold Spring. Nous sommes le 31 janvier et vous avez perdu connaissance il y a six jours, mais vous êtes en bonne voie. Tout va très bien. Vous êtes jeune et forte, vous vous en tirerez.
Les yeux s’écarquillèrent légèrement.
— Que... ? fit la malade d’une voix faible.
— Ce qui s’est passé ? Ne vous inquiétez pas. Il est encore trop tôt. Vous êtes passée tout, près de la mort, mais ce n’est plus qu’un mauvais souvenir. Vous êtes en sécurité à présent.
La jeune femme fit mine de vouloir parler, mais seules ses lèvres s’animèrent.
— Il est trop tôt pour parler. Gardez vos forces pour la visite du docteur.
— Essayé de me tuer..., insista-t-elle,
— Ne pensez plus à tout ça. Vous aurez besoin de toutes vos forces si vous voulez guérir.
— ... horrible. .
L’infirmière lui caressa doucement la main.
— Vous avez sûrement traversé une épreuve terrible, mais ce n’est pas le moment d’y penser. Le docteur Winokur sera là d’un instant à l’autre et il voudra sans doute vous poser quelques questions. Il faut vous reposer.
— Fatiguée... fatiguée...
— C’est tout à fait normal. Vous êtes très fatiguée, mais il ne faut pas vous rendormir tout de suite, Theresa. Le docteur a besoin de vous parler D’accord ? C’est bien.
— Je ne m’appelle pas... Theresa.
L’infirmière lui adressa un sourire rassurant tout en lui tapotant ta main.
— Ne vous inquiétez pas. Vous êtes encore perdue, et c’est normal. En attendant l’arrivée du docteur, regardez un peu par la fenêtre. Vous avez vu comme il fait beau ?